Lah
06-28-2005, 12:01 PM
La nuit enveloppait encore Norrath, sous les lunes fracassées.Il se réveilla nu, enveloppé dans sa cape, la bouteille de liqueur, les deux verres et le pain odorant juste à côté de lui. Il lissa ses cheveux blancs, sentait encore chaque détail de la peau de Kaelyne, de Son corps sous ses mains. Son souffle avait laissé un imperceptible parfum alentour, sur ce nid d'aigle en surplomb de la Tour de Vahlen. L'empreinte de leurs deux corps couchait encore l'herbe drue.- Prends un verre, chère soeur, ne reste pas comme cela dans les ombres, je sens ton regard sur ma nuque. Istryelle sortit de l'ombre, livide, sa robe déchirée flottait doucement, exhalant un parfum de tombe.- Tu vas tous les détruire, Lycan, tu es plus noir que jamais, dit-elle sèchement. Qui te protégeras de toi-même quand tu seras trop puissant pour te protéger de tes propres abîmes ?Lycan sourit à demie, minéral, distant. Il repensa à la première soirée de Fête de l'Ordre, il y a quelques heures. Il avait eu beaucoup de plaisir à les revoir tous, même Harn qui était une ombre solitaire parmi les ombres de Norrath. Baltus avait eu l'air réellement heureux de son cadeau, cette longue lame des temps anciens, en Feyiron, dans sa boîte de bois laqué. Il l'appréciait beaucoup, malgré l'extrême lumière aveuglante qui l'entourait et qui lui rappelait sans cesse sa propre faillite.Les toasts à Anakior, à Sokharr, Lastalaica, Kaelyne, Sillvalt, Feinyrth, Atounkah, Lilieth, tous, Pepito le dragonet, tout était insouciant.Même Aenora. Ils s'étaient épiés comme des fauves affamés toute la soirée, guettant l'autre, mais les paroles furent dites à mots couverts et l'avenir restait incertain, comme une pierre de crypte encore mal taillée.Il avait remarqué qu'Anadria n'avait pas de protection à la taille, sur le flanc arrière, quelle imprudence de laisser ainsi découvert le chemin à son foie. Il ne l'oublierait pas. Le moment où Anadria devrait parler sa rapprochait, mais elle restait pour le moment un bloc d'opacité menaçant.- Elle est avec toi, maintenant, elle doit aimer le malheur... sussura sa soeur morte.- Aucune force qui foule le sol de Norrath ne saurait se mettre en nous. Nous avons franchi de nombreux seuils, d'autres sont encore à franchir, éternellement. Les pierres saignent sous nos pas. Nous sommes invincibles.- Toujours tes phrases grandiloquentes, Lycan ! dit-elle agacée. - Tout ne fait que commencer avec elle. Tout est différent.- Crois-tu ? elle ricanna. Crois-tu qu'elle t'éclairera ou plutôt que tu la feras chuter dans tes gouffres ? Crois-tu que tu peux la protéger... ?Lycan gémit. Il regarda le stylet d'argent que Sillvalt lui avait offert, où le planterait-il un jour ? où ?- ... comme tu n'as pas su le faire avec ta propre soeur ? - Va au diable, Istryelle !!! hurla-t-il.- Tu m'y a déjà envoyé mon frère, sussura-t-elle juste à ses côtés.Les yeux d'Istryelle devinrent deux billes de sang séché, d'où percait un lumière ardente. Elle lècha lentement l'oreille de Lycan.- ASSSSEEEZZZZ !Lycan brisa le verre dans sa main, et serra, serra sur les éclat qui entaillaient sa chair et ses nerfs. Il serra longtemps, jusqu'à ce qu'elle parte.Des larmes coulaient sur ses joues mais il ne fermait pas les yeux, son regard vers l'aube était lourd, violent, noir. Dément. Il n'avait toujours pas desserré le poing.